L’Afrique et l’innovation (2)
Dans
mon post du 7 avril, j’avais promis de partager avec quelques exemples
d’innovations réalisées en Afrique.
Savez-vous
que la finale mondiale de la Global Social Venture Capital (http://www.gsvc-essec.org/)
a été remportée par deux jeunes Burkinabés, étudiants à 2iE : premier prix
du jury et prix du coup de cœur du public. Qu’est-ce le GSVC ? C’est l’unique compétition internationale de
Business Plans Sociaux, dédiée aux étudiants et jeunes diplômés, créateurs
d'entreprises à fort impact social et/ou environnemental.
Qu’ont proposé Moctar et Gérard, les deux jeunes étudiants ? Ils ont créé FASO SOAP : c’est un savon anti-moustique
accessible à tous, produit à partir de ressources 100% locales permettant
de protéger ses utilisateurs du paludisme (http://vimeo.com/63409639). Quelle pertinence ! Quelle
réponse adéquate à un besoin essentiel de nos populations ! Voilà une
belle illustration de l’Afrique qui innove et qui avance. Dans bien d’autres
domaines, des africains, jeunes et moins jeunes, adoptent une posture ambitieuse
et se mettent en situation de franchir une « Nouvelle Frontière ».
Il y a
deux semaines, j’étais à Dakar dans le cadre de mes activités professionnelles
et ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de porteurs de projets dans le
domaine des TIC, en particulier dans celui des services à valeur ajoutée
accessible via le téléphone mobile. J’ai été non pas surpris, mais très
positivement impressionné par la qualité et le caractère potentiellement
innovant des projets qui nous (mon équipe et moi) ont été présentés. Pour
résumer ma pensée et qualifier ces projets de façon simple, j’emprunterai les
mots du Président Senghor : enracinement et ouverture. Enracinement aux
besoins du terrain et à la culture locale, ouverture vers les technologies les
plus avancées.
Des
échos qui me viennent des différentes parties de l’Afrique, les initiatives
privées dans les TIC foisonnent, de bons projets qui ne demandent qu’à être
accompagnés émergent. Mais, malheureusement, les états, dans leur grande
majorité, malgré leurs déclarations d’intention et leurs professions de foi sur
le caractère stratégique des TIC, peinent à apporter le soutien minimal
nécessaire à la concrétisation de ces projets, à leur transformation en
véritables innovations qui améliorent la vie des africains.
Je
voudrais avant de finir revenir à mes exemples et en détailler deux :
1)
Le logiciel de
gestion des banques de l’habitat : conçu par Moustapha Sarr (Directeur
Général de Crésus Afrique et ancien Directeur Moyens Informatiques et Méthode
de la BH Sénégal) et développé dans les années 1980 par son équipe informatique
aidée de consultants externes, il avait été choisi par les banques de l’habitat
du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Congo. Il faisait alors référence dans son
domaine grâce à sa flexibilité et son adaptabilité aux besoins liés au
financement de l’habitat dans les pays concernés.
2)
Sonatel
est née en 1985 d’une innovation voulue par l’état du Sénégal dans
l’organisation institutionnelle du secteur des postes et télécommunications. A
l’époque où l’état prenait cette décision de séparer la poste des
télécommunications et de regrouper l’activité des télécommunications
–nationales et internationales- dans une seule société nationale autonome,
rares étaient les pays européens ou africains où une telle mesure était
envisagée. Ensuite, la réussite s’est bâti, grâce à un leadership éclairé et à
visage humain, sur une série d’innovations :
a.
Bonne
gouvernance à l’époque où ce terme était quasi inconnu et pas du tout galvaudé
comme aujourd’hui. Les maîtres mots ont été dès le début, en particulier à
partir de 1988 : exemplarité, probité morale et intellectuelle, tolérance
zéro à l’égard des voleurs et des fraudeurs ;
b.
Investissements
massifs dans des technologies avancées et volonté d’une large couverture du
pays : réseau de communication de données X25 pour les entreprises en 1988,
vaste programme de téléphonie rurale – déjà en 1990, le slogan était
« mettre chaque sénégalais à moins d’une heure de marche d’un téléphone
qui fonctionne avant 2005 »-, vaste programme d’automatisation et de
numérisation du réseau dans toutes les régions du pays à partir de 1987-1988,
introduction de la Fibre Optique en 1990-1991, création du 1er ISP
sénégalais en 1991, participation à plusieurs projets de câbles sous-marins par
fibre optique (3 autoroutes différentes pour sortir du Sénégal aujourd’hui),
réseau IP pour les entreprises, mobile GSM en 1996, ADSL en 2003, mobile 3G en
2008, etc.
c.
La
privatisation de l’entreprise en 1997 avec la décision clairvoyante prise par
l’état de privatiser avant de libéraliser, se détourant des conseils de
« ceux qui détiennent la vérité et se sont toujours trompés » et
donnant la chance au Sénégal d’avoir un opérateur historique fort. Il n’y a
quasiment pas de pays avec un réseau de télécommunications développé sans
opérateur historique fort.
d.
L’introduction en
1998 de l’entreprise à la Bourse Régionale d’Abidjan qui a permis de créer un
actionnariat populaire au Sénégal et dans la plupart des pays d’Afrique de
l’Ouest. Sonate, seule entreprise sénégalaise présente à la Bourse d’Abidjan,
représente encore de l’ordre de 40% de la capitalisation
e.
Croissance
externe par l’acquisition de licences d’opérateurs dans la sous-région
ouest-africaine.
f.
Fondation
Sonatel : 1ère fondation d’entreprise au Sénégal créée en 2002,
elle œuvre dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la culture et a
des réalisations emblématiques comme l’IRM installé en 2009 dans un CHU de
Dakar, la prise en charge médicale gratuite de personnes âgées, l’organisation
du 1er téléthon pour la lutte contre le paludisme en 2003, le
programme de scolarisation des jeunes.
g.
La politique sociale,
avec en particulier l’actionnariat salarié et une politique d’habitat ambitieuse
et adaptée au contexte local « un sonatélien, une maison avant la retraite ».
h.
Un syndicalisme
clairvoyant et patriote qui s’est mobilisé à chaque fois que les intérêts de l’entreprise
et du pays ont été menacés : un slogan évocateur, le patriotisme d’entreprise ».
Sonatel
n’a pas manqué de faire des émules dans le monde des entreprises aussi au
Sénégal qu’en Afrique et même largement au-delà ;
Je
pourrai encore citer d’autres exemples d’innovations ou d’innovateurs tels que
-
Mo Ibrahim,
fondateur de Celtel, qui a été le premier à croire au succès du mobile en
Afrique,
-
mPedigree,
solution développée par un Ghanéen utilisant le mobile pour lutter contre les
médicaments contrefaits,
-
le succès
phénoménal du mobile money au Kenya avec m-Pesa
-
CARDIOGLOB :
c’est donc un projet développé par le Camerounais Marc Arthur Zhang. Son but
est de réduire le taux de mortalité due aux maladies cardiovasculaires en
palliant le manque de cardiologues dans les pays pauvres grâce à la mise en
œuvre de méthodes innovantes permettant d’effectuer les examens cardiaques et
l’interprétation à distance. Il utilise une transmission des données
biomédicales via le réseau téléphonique mobile.
Je sais
que bien d’autres exemples, qui me sont inconnus, existent dans bien d’autres domaines
tels que l’agriculture, l’entrepreneuriat social, la production d’énergie, l’utilisation
des matériaux locaux dans la construction, etc. Les rares domaines où je n’ai
trouvé presque aucune trace de démarche vraiment innovante restent ceux
relatifs à nos institutions politiques et à nos politiques de développement.
Pour
enrichir le débat, je vous invite à partager avec nous toute démarche
susceptible d’apporter une innovation dans quelque domaine que ce soit.
Merci et
à bientôt ; le sommeil me gagne.
1 commentaire:
Très riche en informations
Pas de pays fort sans un opérateur historique en télécommunications.
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