mercredi 24 avril 2013

FASO SOAP, vainqueur du Global Social Venture Capital


L’Afrique et l’innovation (2)

Dans mon post du 7 avril, j’avais promis de partager avec quelques exemples d’innovations réalisées en Afrique.

Savez-vous que la finale mondiale de la Global Social Venture Capital (http://www.gsvc-essec.org/) a été remportée par deux jeunes Burkinabés, étudiants à 2iE : premier prix du jury et prix du coup de cœur du public. Qu’est-ce le GSVC ? C’est l’unique compétition internationale de Business Plans Sociaux, dédiée aux étudiants et jeunes diplômés, créateurs d'entreprises à fort impact social et/ou environnemental Qu’ont proposé Moctar et Gérard, les deux jeunes étudiants ? Ils ont créé FASO SOAP : c’est un savon anti-moustique accessible à tous,  produit à partir de ressources 100% locales permettant de protéger ses utilisateurs du paludisme (http://vimeo.com/63409639). Quelle pertinence ! Quelle réponse adéquate à un besoin essentiel de nos populations ! Voilà une belle illustration de l’Afrique qui innove et qui avance. Dans bien d’autres domaines, des africains, jeunes et moins jeunes, adoptent une posture ambitieuse et se mettent en situation de franchir une « Nouvelle Frontière ».

Il y a deux semaines, j’étais à Dakar dans le cadre de mes activités professionnelles et ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de porteurs de projets dans le domaine des TIC, en particulier dans celui des services à valeur ajoutée accessible via le téléphone mobile. J’ai été non pas surpris, mais très positivement impressionné par la qualité et le caractère potentiellement innovant des projets qui nous (mon équipe et moi) ont été présentés. Pour résumer ma pensée et qualifier ces projets de façon simple, j’emprunterai les mots du Président Senghor : enracinement et ouverture. Enracinement aux besoins du terrain et à la culture locale, ouverture vers les technologies les plus avancées.

Des échos qui me viennent des différentes parties de l’Afrique, les initiatives privées dans les TIC foisonnent, de bons projets qui ne demandent qu’à être accompagnés émergent. Mais, malheureusement, les états, dans leur grande majorité, malgré leurs déclarations d’intention et leurs professions de foi sur le caractère stratégique des TIC, peinent à apporter le soutien minimal nécessaire à la concrétisation de ces projets, à leur transformation en véritables innovations qui améliorent la vie des africains.

Je voudrais avant de finir revenir à mes exemples et en détailler deux :

1)          Le logiciel de gestion des banques de l’habitat : conçu par Moustapha Sarr (Directeur Général de Crésus Afrique et ancien Directeur Moyens Informatiques et Méthode de la BH Sénégal) et développé dans les années 1980 par son équipe informatique aidée de consultants externes, il avait été choisi par les banques de l’habitat du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Congo. Il faisait alors référence dans son domaine grâce à sa flexibilité et son adaptabilité aux besoins liés au financement de l’habitat dans les pays concernés.

2)             Sonatel est née en 1985 d’une innovation voulue par l’état du Sénégal dans l’organisation institutionnelle du secteur des postes et télécommunications. A l’époque où l’état prenait cette décision de séparer la poste des télécommunications et de regrouper l’activité des télécommunications –nationales et internationales- dans une seule société nationale autonome, rares étaient les pays européens ou africains où une telle mesure était envisagée. Ensuite, la réussite s’est bâti, grâce à un leadership éclairé et à visage humain, sur une série d’innovations :

a.           Bonne gouvernance à l’époque où ce terme était quasi inconnu et pas du tout galvaudé comme aujourd’hui. Les maîtres mots ont été dès le début, en particulier à partir de 1988 : exemplarité, probité morale et intellectuelle, tolérance zéro à l’égard des voleurs et des fraudeurs ;

b.          Investissements massifs dans des technologies avancées et volonté d’une large couverture du pays : réseau de communication de données X25 pour les entreprises en 1988, vaste programme de téléphonie rurale – déjà en 1990, le slogan était « mettre chaque sénégalais à moins d’une heure de marche d’un téléphone qui fonctionne avant 2005 »-, vaste programme d’automatisation et de numérisation du réseau dans toutes les régions du pays à partir de 1987-1988, introduction de la Fibre Optique en 1990-1991, création du 1er ISP sénégalais en 1991, participation à plusieurs projets de câbles sous-marins par fibre optique (3 autoroutes différentes pour sortir du Sénégal aujourd’hui), réseau IP pour les entreprises, mobile GSM en 1996, ADSL en 2003, mobile 3G en 2008, etc.

c.           La privatisation de l’entreprise en 1997 avec la décision clairvoyante prise par l’état de privatiser avant de libéraliser, se détourant des conseils de « ceux qui détiennent la vérité et se sont toujours trompés » et donnant la chance au Sénégal d’avoir un opérateur historique fort. Il n’y a quasiment pas de pays avec un réseau de télécommunications développé sans opérateur historique fort.

d.          L’introduction en 1998 de l’entreprise à la Bourse Régionale d’Abidjan qui a permis de créer un actionnariat populaire au Sénégal et dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Sonate, seule entreprise sénégalaise présente à la Bourse d’Abidjan, représente encore de l’ordre de 40% de la capitalisation

e.           Croissance externe par l’acquisition de licences d’opérateurs dans la sous-région ouest-africaine.

f.            Fondation Sonatel : 1ère fondation d’entreprise au Sénégal créée en 2002, elle œuvre dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la culture et a des réalisations emblématiques comme l’IRM installé en 2009 dans un CHU de Dakar, la prise en charge médicale gratuite de personnes âgées, l’organisation du 1er téléthon pour la lutte contre le paludisme en 2003, le programme de scolarisation des jeunes.

g.          La politique sociale, avec en particulier l’actionnariat salarié et une politique d’habitat ambitieuse et adaptée au contexte local « un sonatélien, une maison avant la retraite ».

h.           Un syndicalisme clairvoyant et patriote qui s’est mobilisé à chaque fois que les intérêts de l’entreprise et du pays ont été menacés : un slogan évocateur, le patriotisme d’entreprise ».

Sonatel n’a pas manqué de faire des émules dans le monde des entreprises aussi au Sénégal qu’en Afrique et même largement au-delà ;

Je pourrai encore citer d’autres exemples d’innovations ou d’innovateurs tels que

-        Mo Ibrahim, fondateur de Celtel, qui a été le premier à croire au succès du mobile en Afrique,

-        mPedigree, solution développée par un Ghanéen utilisant le mobile pour lutter contre les médicaments contrefaits,

-        le succès phénoménal du mobile money au Kenya avec m-Pesa

-        CARDIOGLOB : c’est donc un projet développé par le Camerounais Marc Arthur Zhang. Son but est de réduire le taux de mortalité due aux maladies cardiovasculaires en palliant le manque de cardiologues dans les pays pauvres grâce à la mise en œuvre de méthodes innovantes permettant d’effectuer les examens cardiaques et l’interprétation à distance. Il utilise une transmission des données biomédicales via le réseau  téléphonique mobile.

Je sais que bien d’autres exemples, qui me sont inconnus, existent dans bien d’autres domaines tels que l’agriculture, l’entrepreneuriat social, la production d’énergie, l’utilisation des matériaux locaux dans la construction, etc. Les rares domaines où je n’ai trouvé presque aucune trace de démarche vraiment innovante restent ceux relatifs à nos institutions politiques et à nos politiques de développement.

Pour enrichir le débat, je vous invite à partager avec nous toute démarche susceptible d’apporter une innovation dans quelque domaine que ce soit.

Merci et à bientôt ; le sommeil me gagne.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Très riche en informations
Pas de pays fort sans un opérateur historique en télécommunications.